A la demande générale(lol), l'histoire de ma pole volée(je suis pourtant certain que je l'ai déjà raconté par écrit mais enfin bon, je retrouve pas. Me prenez pas pour un gâteux hein ?
)
Ca se passe fin mai 1976 sur le circuit de Nivelles-Baulers en Belgique.
Ce week-end là est organisée sur ce circuit une manche du championnat FIM 750cc et toutes les grosses pointures sont présentes: Barry Sheene, Jack Findlay, Victor Palomo, Kim Newcombe(équipier de Sheene), Gary Nixon(pilote officiel Kawasaki USA), le belge Jean-Philippe Orban et des tas de grands noms de l'époque.
Quand on est un petit pilote anonyme, la présence de ces géants, ça vous stimule un maximum. Enfin moi ça me stimulait.
Et donc une course de 250cc pour machine de route(Production) était organisée en lever de rideau. Il était ensuite prévu une course de 500cc production, retenez ce détail...
Le samedi, les qualifications.
Une journée comme on en a 1 fois par an, radieuse, pas trop chaud, pas trop humide, pas trop de vent, parfait. Ma Kawa était dans ce que j'appelle depuis "son jour de gloire", jamais elle n'avait marché aussi bien, c'était une fusée, une véritable fusée qui tournait comme une horloge sans le moindre accroc, ce qui était peu fréquent. J'étais donc déjà bougrement fier de mes réglages mais le plus beau allait venir.
Avant de nous lancer en piste pour les qualifications, on reste un moment au parc fermé, d'abord moteur arrêté puis peu avant de monter, en faisant chauffer les moteurs.
Et pendant que je faisais chauffer le mien, je me rend compte que ça tourne vraiment comme jamais. Je donnais un coup de gaz et l'aiguille s'envolait instantanément dans les 9 000 rpm, bien dans la zone rouge, sans aucun problème. Dès que je coupais, l'aiguille retombait de suite sans trainer, vraiment au top comme une vraie moto de course.
Puis, regardant la fumée sortant de mes pots d'échappement afin de voir si elle est encore bleue, j'aperçois derrière moi deux hommes avec les yeux rivés sur les sorties des échappements, l'air totalement ahuri comme si ils venaient de découvrir un trésor ! C'était Gary Nixon et son mécanicien, un mécano pro de chez Kawasaki USA !
Moi, je continuais à faire des "Vouiiiim, vouiiiim" avec la poignée des gaz pour que tout soit bien chaud avant de foncer et comme je regardais vers le bas ils ne soupçonnaient pas que je les regardais. Et à un moment, je vois le mécano qui regarde Nixon puis qui lèves ses sourcils en ouvrant la bouche, vraiment stupéfait de la pêche qui sortait de ma petite 250cc !!
Ce fut, je l'avoue, une récompense ENORME pour les centaines d'heures passées dans mon garage à régler cette moto. C'était un compliment fabuleux venant d'un professionnel et qui en plus ne savait pas que je le voyais. Ca m'a mis le mors aux dents car pour impressionner un mec qui travaille sur des 750cc de vitesse pure faisant plus de 125cv, fallait vraiment que ça soit clair pour lui que mon moteur était sacrément bien réglé.
Je rappelle que mon métier c'est électricien, pas mécanicien lol.
Bref, j'avais autant de pêche que la moto, et ça aussi c'était rare lol.
Et je monte en piste. C'est ma troisième saison, Nivelles on connait par coeur, je me sens bien, les dégagements sont énormes en cas de chute, je fonce.
Petite parenthèse pour dire que là, c'était le folklore en qualifs. Aujourd'hui partout on a l'habitude de voir les chronos affichés sur l'écran, de voir les panneaux tendus ou d'entendre les radio-com stand-pilote.
Ouais mais là c'est
1976 hein ?!
Déjà, j'avais pas de chrono donc mon copain ne pouvait pas prendre les temps. Ils n'étaient jamais affichés nulle part durant les séances ce qui fait que l'on roulait toujours sans jamais savoir où on en était...
Bref, fallait se fier à son flair et "sentir" si on avait fait un bon tour ou pas. De toute façon, bon ou mauvais on n'avait qu'une chose à faire: continuer à rouler jusqu'à la fin de la séance en faisant le mieux possible et puis attendre qu'ils affichent les résultats.
Point barre !
C't'un monde hein ?
Et donc je tournais en me régalant car pour une fois je sentais que je passais bien dans "La Crosse"(un interminable droite qui n'en fini pas), je prenais les autres Kawa au freinage de l'épingle et je les "oubliais" carrément à la réaccélération, c'etait vraiment magique cette séance.
Et vient la fin, je rentre dans le paddock et mon copain me dit que "ça donnait bien" par rapport aux autres ce qui était déjà mieux qu'un "on aurait dit que tu étais arrêté" lol.
Puis après un temps interminable, vient enfin la feuille des temps: je suis premier des 250cc et mon chrono est très proche du record de Nivelles pour les Kawa 250cc(en fait je crois bien que c'est à peu de choses près, le même que le record établi par Christian Smeets l'année avant en Casque Samouraï) !
Bon, on n'était que 6 mais enfin d'habitude le sixième c'était moi.
Aaah la joie !
Vraiment, j'étais aussi content que si j'avais gagné le GP de Belgique.
Ca n'allait hélas être que de courte durée.
Photo faites par un copain durant la séance de qualif. Pas terrible qualité mais enfin bon, c'est juste pour le souvenir. Cliquez pour agrandir.Le lendemain matin, une sorte de briefing improvisé nous est commandé. Et on nous dit sans rire, "messieurs, il n'y a que trois pilotes de 250cc qui sont là aujourd'hui, nous n'allons pas faire une course pour 3 motos. Aussi vous prendrez le départ avec la course des 500cc".
Le rebelle qui a toujours dormi en moi se réveille d'un coup et s'exclame directement: "avec un classement séparé au moins ?".
Le "au moins" était de trop sans doute car il n'y a pas eu de réponse précise mais un regard noir lancé par l'un de ces directeurs de course...
Enragé.
Je n'ai jamais été aussi enragé de ma vie.
Je fais une pole(qui sera la seule de ma carrière) et on me la vole en annulant la course !
ARG !
Oui, j'enrage encore aujourd'hui !
Et c'est ainsi que j'ai pris le départ en pole de ma catégorie mais sur l'avant dernière ligne d'une grille sur laquelle il y avait tellement de motos que je ne voyais quasiment pas le drapeau national de départ...
Montée en piste pour la mise en grille le dimanche matin. Notez que pour ce faire, on emprunte les stands à contre-sens ! Obligé hein ? Un commissaire nous empêchait de faire un tour de reconnaissance...Le n°5 derrière moi c'est Jean-Claude Couclet.La fameuse grille des 500 production. A gauche le point jaune c'est moi, en pole des 250cc... Le poleman des 350cc est renseigné par une flèche. Devant lui se trouvent donc toutes les Kawa 400cc du casque Samouraï et devant les 400, les 500cc production. Autre anecdote, sur cette grille figurait aussi un certain Didier de Radiguès sur une Morini 350cc(j'aurais du vérifier avant de remettre le cahier dans la caisse, je me demande si c'est pas lui qui était en pole...).
Cliquez pour agrandir.Enragé. Je décide de voler le départ, je suis tellement loin de la ligne que personne ne va le voir. Je me retrouve trois lignes plus haut, au milieu du paquet des 350cc de la Coupe Ducati. Ca ne plait pas à Alain Nies, il me fait une violente queue de poisson qui me force à faire un écart et à couper. Sans ça, j'étais par terre, il venait en plein sur ma roue avant...
Le temps de reprendre le rythme, tout le monde est repassé...
Premier tour. A l'entrée du petit Esse de Nivelles je suis encore au contact. Le n°6 c'est Gauthier, un pilote de la coupe Ducati sur une 350cc monocylindre.
Cliquez pour agrandir. Après ça, j'ai fais le touriste, me contentant de suivre François et Roland sans même tenter de les passer, cette course avait perdu tout son intérêt.
Une photo de ma collection, signée Guy Thonus évidemment, re-photographiée avec mon téléphone. Elle est dédicacée par François Paternoster, j'ai juste effacé mon nom de famille.
De gauche à droite: François Paternoster(Kawasaki 250cc), Roland Breny(Yamaha RD 250cc) et "moi"(Kawasaki 250cc) durant cette course sabotée de 1976. Cliquez pour agrandir.A la sortie du petit Esse quelques tours plus tard, chassant Roland Breny.
Cliquez pour agrandir.Pour la petite histoire, sachez qu'ils ne nous ont pas fait la grâce d'un classement séparé et que donc, nous avons fait un podium gratuit sans célébration ni point. Par contre nous étions classés dans les 350.
Marche ou crève ami pilote...
Images de ma bête ce jour de grâce de la pole position.
Cette première photo est très abîmée, désolé la qualité.Une autre vue avec le copain qui m'aidait ce we-là. J'ai juste passé un grossier coup de gomme sur le réservoir où était écrit mon nom.Enfin trois photos persos de ce WE-là. Gary Nixon et son mécanicien.Et puis un instantané que j'aime beaucoup, le regretté Barry Sheene à gauche et son mécanicien à droite, rentrant dans le restaurant de Nivelles le samedi soir.
Puis tant que je parle de Barry, une photo de lui et son merveilleux sourire, que j'ai prise dans le paddock du GP de Belgique(75 ?) et qu'il m'a dédicacée l'année suivante. A gauche et de dos, c'est Phil Read qui m'a aussi dédicacé une autre image que je vous donnerais un jour si vous êtes sages. ^^
Cliquez dedans pour l'agrandir.Voilà.