Le naufrage de Norris a continué lors de la 2e course.
Pour les avoir fréquenté, l'un et l'autre, il n'y a pas photo entre Helmut Marko, pilote excessivement antipathique chez BRM en F1 et chez Porsche au Mans, un tête de con, comme on en rencontre rarement et un Toto Wolff, affable, sympathique, ouvert, ne se prenant pas au sérieux le moins du monde, toujours disponible en itw qui reconnait honnêtement avoir commis une erreur d'appréciation:
En directeur d'écurie, Toto Wolff est monté au créneau pour assumer, quasiment en solitaire pour protéger son équipe, la consigne d'équipe qui a permis à Lewis Hamilton de dépasser Valtteri Bottas, hier, à Sotchi.
Toto Wolff se sentait d'autant plus responsable envers Lewis Hamilton, qu'il confie avoir commis une erreur potentiellement fort préjudiciable: le directeur de l'équipe aurait "distrait" James Vowles, le responsable de la stratégie, à un moment décisif pour la course.
Alors que Valtteri Bottas s'était arrêté au 12ème tour, Lewis Hamilton attendit le 14ème. Un tour de trop: ce qui a fait que le Britannique - à cause de Toto Wolff - est ressorti derrière Sebastian Vettel.
"La course ne suivait pas le scénario dont nous avions parlé le matin" raconte Toto Wolff. "Nous avions passé beaucoup de temps à discuter des différents scenarios. Celui qui est arrivé, c'était que nos deux pilotes pouvaient mutuellement profiter de l'aspiration, l'un de l'autre. Mais nous nous sommes emmêlés les pinceaux au moment de les rappeler aux stands."
"Nous avons fait le bon choix en rappelant d'abord Valtteri, pour protéger sa position. Mais nous avons rappelé Lewis un tour trop tard."
"J'en prends la responsabilité, parce que j'avais engagé avec James une discussion pour nous demander quand il faudrait rappeler Lewis. Et c'est pourquoi Lewis a été rappelé un tour trop tard et perdu sa position", révèle Wolff.
"Alors que nous étudions quoi faire, je parlais avec James, et ça nous a fait rappeler Lewis un tour trop tard. Nous avons rappelé Valtteri et ensuite quand Lewis nous a dit à la radio que c'était un tour trop tard, Seb est rentré aux stands, et Lewis avait déjà commencé un autre tour, puisque nous discutions de son arrêt aux stands... C'était juste un tour trop tard."
Toto Wolff s'est ensuite senti plus ou moins redevable envers Lewis Hamilton. Le cloquage de ses pneus a précipité la décision d'équipe controversée.
"Lewis a dû batailler dur pour dépasser Sebastian Vettel, et son dépassement était vraiment incroyable.
Mais ça a cloqué ses pneus. Et ensuite, Valtteri gérait ses pneus à l'avant, Lewis était derrière, avec des pneus cloqués, et Sebastian était sur les talons de Lewis.
A ce moment, il y avait deux dénouements possibles.
Le meilleur?
La situation serait restée inchangée, et nous aurions fini 2ème avec Lewis et gagné avec Valtteri.
Le pire scénario?
Le pneu cloqué n'aurait pas duré jusqu'à la fin, Lewis aurait été dépassé par Seb puisqu'il aurait dû gérer ses pneus."
"C'est pourquoi je pense que nous avons bien fait de donner la consigne à Valtteri. Rationnellement, c'était la bonne chose à faire, même si notre esprit sportif répond par la négative."
Toto Wolff, pour convaincre davantage son monde, invoque l'exemple de Spa pour montrer que le cloquage aurait pu coûter très cher à Lewis Hamilton.
"Nous avons vu ce problème à Spa. Nous avions dû faire un deuxième arrêt. Ferrari aussi avait eu ce problème de cloquage et avait dû aussi rentrer de nouveau."
"Imaginez ce scénario: nous aurions dû rappeler Lewis de nouveau et il aurait fini 6ème ou 7ème. Finir 6ème, plutôt que gagner. C'est dans l'intensité du moment que nous avons fait ce choix."
Directeur de Racing Point Force India, Otmar Szafnauer a appuyé la décision de Toto Wolff, qui a imposé des consignes auprès de ses pilotes en Russie. Selon lui, même si cette décision a attiré un flot de critiques, il est important pour le constructeur de ne rien laisser au hasard.
"C'est mieux d'être le méchant aujourd'hui que l'idiot à Abu Dhabi" a expliqué Szafnauer. "Il est fondamental d'avoir des pilotes ambitieux, mais ils doivent aussi comprendre que leur intérêt est parfois en contradiction avec celui de leur équipe."
Interrogé quant à savoir s'il était d'accord avec les consignes imposées à Valtteri Bottas, qui a dû se ranger pour laisser passer Lewis Hamilton, Bernie Ecclestone n'a pas dérogé de son avis sur les consignes, qu'il a toujours approuvées, et a estimé qu'elles étaient logiques.
Valtteri Bottas admet s'être sacrifié à la demande de l'équipe et reconnaît qu'il voudra aller chercher sa prochaine victoire sans consigne inversée.
"Je n'attends rien de l'équipe en retour" répond Bottas lorsqu'on lui dit que Lewis Hamilton est prêt à lui rendre une victoire, si c'est demandé.
"Si et quand je gagne, je veux gagner comme si je l'avais gagné en course. Comme je l'ai déjà dit, si je me mets à leur place, c'est dur. Mais évidemment pour moi en tant que personne, en tant qu'athlète, ce n'est pas idéal. Mais c'est comme ça que ça se passe et je pense qu'aujourd'hui, je me suis sacrifié pour l'équipe."
"Je suis un coureur, ce que je veux, c'est gagner des courses, mais je veux aussi jouer pour l'équipe et je pense que cette année, si nous remportons le championnat, il n'y a rien que je puisse faire qui compte vraiment pour moi et c'est pourquoi j'ai hâte d'être à l'année prochaine."
En ce qui me concerne, entre un Bottas 4e au championnat, 110 pts derrière Hamilton et un leader incontesté chez Mercedes comme Hamilton en bagarre acharnée contre Vettel qui possède une Ferrari souvent supérieure à la Mercedes, je n'aurai pas hésité à ce stade de la saison, comme le confirment Fred Vasseur, Alain Prost et Sebastian Vettel, lui-même... qui soutiennent la décision de Toto Wolff...Vettel lui-même s'est mué en avocat de la cause Mercedes.
"Bien joué à tous les deux, ils ont bien travaillé ensemble, très bien en tant qu'équipe. Pour leur défense, toutes les questions... Je sais que vous, les gars [les journalistes], aimez la polémique donc vous leur posez des questions malicieuses mais je pense que dans la position dans laquelle ils sont actuellement, ce qu'ils ont fait aujourd'hui était une évidence. Peut-être que toutes les questions ne sont pas justifiées..."
Une première tentative pour que Bottas ralentisse le rythme de Vettel et permette à Hamilton de rester devant lui avait échoué au moment des arrêts au stand. Mais Hamilton a rapidement su reprendre sa position face à la Ferrari #5.
Désormais distancé par l'équivalent de deux victoires de la tête du classement général suite à cette course, l'Allemand sait qu'avec 125 points à récolter au maximum, sa marge d'erreur est encore réduite. "Je suis assez intelligent, je n'étais pas un génie en maths, mais je suis assez intelligent pour me rendre compte par moi-même que les choses ne sont pas de plus en plus faciles quand on perd des points. Nous devons être heureux de la troisième place, et nous contenter de ça pour aujourd'hui."
"Je crois toujours en nos chances, oui. Évidemment, elles ne sont pas aussi grandes quand on termine derrière mais qui sait. Il suffit d'un abandon et tout à coup, les choses sont différentes. Deux idéalement ! Ce que je ne souhaite pas à Lewis, mais on ne sait jamais. Il faut que l'on reste au top de notre niveau, ce qui n'a pas été complètement le cas ce week-end, et que l'on s'assure que, de là où nous sommes, nous nous concentrions sur le fait de remporter les dernières courses."